Conjoint bénéficiaire commun en bien et absence de récompense : limites de principe de l’article L.132-16 du Code des assurances
Lorsque le bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie est le conjoint du souscripteur commun en bien, aucune récompense n’est due à la communauté en raison des primes payées par elle.
C’est le principe formulé par l’alinéa 2 de l’article L. 132-16 du Code des assurances.
Ce qui signifie que ni le conjoint bénéficiaire ni le souscripteur ne peuvent être débiteur d’une récompense : en effet, les dispositions de l’article 1437 du Code civil, selon lesquelles l’époux qui a tiré un profit personnel des biens de la communauté en doit récompense, ne s’appliquent pas dans ce cas (Cass. 1re civ., 8 mars 2005). L’article L. 132-16 doit s’appliquer, même si le conjoint souscripteur n’est pas l’assuré. Car ce qui compte, c’est le transfert de valeur entre la masse commune et la masse propre.
Le principe de l’absence de récompense est cependant écarté dans plusieurs hypothèses :
– lorsque les primes sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur. L’alinéa 2 de l’article L. 132-16 réserve en effet cette hypothèse. Les applications de ce texte sont cependant très marginales.
– lorsque le conjoint, bénéficiaire désigné par la clause, n’est pas le bénéficiaire effectif du capital ou de la rente garantie. C’est naturellement le cas lorsque le conjoint a perdu la qualité de bénéficiaire, en raison d’une révocation, ou de son prédécès : il est alors censé n’avoir jamais revêtu cette qualité. C’est également le cas lorsque le conjoint bénéficiaire décède après l’assuré sans avoir accepté, et que la clause est hiérarchisée. Ce sont alors les bénéficiaires subséquents qui ont vocation à recevoir la garantie. Dans ce cas, une récompense est due par la succession du souscripteur à la communauté (Cass. 1re civ., 22 mai 2007). Sans doute dans ce cas, conformément à l’article L. 132-16 du code des assurances, le bénéfice de l’assurance avait été contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint. Mais la communauté s’est effectivement appauvrie au profit d’un autre patrimoine que celui du conjoint, ce qui suffit à justifier le principe de la récompense.
– Lorsque le conjoint n’est pas le bénéficiaire exclusif de la garantie. Dans ce cas, une récompense sera due à la communauté pour la fraction de la somme capitalisée dont ne bénéficie pas le conjoint. Ainsi, en cas de clauses bénéficiaires complexes (par exemple, clauses désignant plusieurs bénéficiaires de même rang, dont le conjoint), une récompense est due à la communauté pour la fraction de la garantie acquise par les tiers (les enfants les plus souvent).
– L’hypothèse d’une clause bénéficiaire démembrée dont le conjoint est usufruitier est plus délicate. En effet, lorsque la clause bénéficiaire est démembrée, en particulier lorsque le conjoint reçoit la garantie en quasi-usufruit, la valeur capitalisée est à la disposition exclusive de l’usufruitier. Dans ce cas, le conjoint reçoit la totalité de la garantie et est considérée par l’administration fiscale, pour l’application de l’article 990-I du CGI, comme le seul bénéficiaire de la clause. Certes, civilement, une créance de restitution figure dans le patrimoine du nu-propriétaire et elle trouve son origine dans la clause bénéficiaire. Cependant c’est une créance contre l’usufruitier ou sa succession. A la différence de la situation précédente, le nu-propriétaire n’a pas vocation à recevoir une fraction de la garantie. Son bénéficiaire exclusif est bien l’usufruitier. Il nous semble raisonnable de considérer qu’aucune récompense n’est alors due.