L’impôt, l’optimisation fiscale et le conseil patrimonial…
Par Jean-Noël Chaumont
Le développement récent des affaires patrimoniales touchant l’une des plus grosses fortunes de France, sans en préjuger les futures suites légales, fiscales ou politiques, doivent interpeller tous les Conseils en Gestion de Patrimoine quant à la déontologie qu’ils doivent non seulement respecter pour eux-mêmes évidemment, mais aussi pour leurs clients, notamment ceux qui, systématiquement, sont à la recherche du « moins-disant » fiscal.
Comment « paramétrer » l’espace à réserver au Conseil à but fiscal ? Où se situe la ligne séparatrice entre bonne gestion de l’impact fiscal sur le patrimoine (tout à fait recommandable), optimisation fiscale visant à abaisser fortement l’impôt (légale mais souvent dangereuse en terme de pérennité patrimoniale), et fraude pure et simple à la Loi ?
Si le Livre des procédures fiscales nous éclaire globalement sur tout ce qui est au-delà de la ligne jaune (« l’abus de droit fiscal »), le Conseiller a quelquefois du mal à délimiter sa mission en la matière, surtout lorsqu’il est soumis à la pression forte de son client, très souvent friand de l’économie fiscale réalisée, en tout cas suffisamment pour en oublier les critères fondamentaux d’une bonne gestion patrimoniale. Les récentes décisions de justice concernant certaines opérations immobilières à fort effet de levier fiscal nous rappellent que la responsabilité du Conseiller sera de plus en plus mise en jeu !
Sans doute serait-il souhaitable que la Profession engage sur ce point un vrai débat de fond devant conduire à clarifier la mission du Conseil Patrimonial, par exemple en répondant à ces questions relativement simples :
– Le Conseil Patrimonial a-t-il comme vocation principale de recommander une stratégie visant à éluder au maximum l’impôt, y compris en utilisant au maximum La Loi, c’est-à-dire les niches fiscales dont le législateur lui-même use et abuse pour orienter le patrimoine et l’épargne des Français vers les secteurs économiques qu’il entend soutenir ? Plus précisément, le Conseil Patrimonial doit-il être un agent de promotion de politiques fiscales ou doit-il au contraire garder toute son indépendance de jugement et de prescription ?
– Comment définir exactement l’espace du Conseil fiscal dans la gestion patrimoniale ? Par exemple peut-on retenir comme référent, comme éthique même, le « slogan » : « La Loi, Toute la Loi, Rien que la Loi » ? Ou cette « délimitation » est-elle déjà critiquable ?
– La mission d’un Conseil Patrimonial peut-elle aller jusqu’à indiquer à son client les circuits, les montages, les méthodes, à la limite de la décence fiscale, qui permettent au contribuable Français, qui tire la majorité de ses revenus ou de sa fortune de ses activités actuelles ou passées en France, de fortement diminuer sa contribution personnelle au financement du budget de l’Etat et des systèmes sociaux ?
– Le Conseil Patrimonial a-t-il intérêt, pour les années et décennies à venir, à se démarquer clairement des « vendeurs de défiscalisation » ou même des Avocats fiscalistes spécialisés pour privilégier une approche juridique et économique de la Gestion de Patrimoine ?
Force est de constater par exemple, et avec regret, que le projet de Loi déposé par Louis Giscard d’ Estaing sur le métier de CGP n’aborde nullement cette problématique fiscale. Or, une profession dont l’Ordre ou le Conseil Supérieur ne définit pas clairement son espace d’activité me semble mal partie…
Sans vouloir jouer au moraliste, il me semble important que sur cet espace d’expression libre que constitue le blog de Michel Leroy, les Conseillers que nous sommes s’expriment sur la place à réserver à la fiscalité dans notre travail quotidien, et sur la déontologie qui doit nous animer. Ou, alors, à défaut, notre profession continuera à bénéficier encore et encore d’une mauvaise publicité par les médias, tel que par exemple on peut aujourd’hui l’observer quant à la société de gestion chargée d’optimiser la fortune d’une riche héritière de l’industrie des cosmétiques… Ce que peut personnellement je regrette, me sentant à milles lieues de ces méthodes discutables.