Pôle Patrimonial Professionnel

Le souscripteur  de quatre assurances vie, marié sous le régime de la séparation de biens, avait désigné comme bénéficiaire en cas de décès son épouse. A son décès, étaient appelés à sa succession, son conjoint et deux enfants issus d’une première union. Quatre ans après, l’époux survivant décède à son tour, laissant pour lui succéder son enfant issu d’un premier lit.
Les  descendants du souscripteur sollicitèrent le règlement d’une créance entre époux d’un montant égal à la garantie des quatre contrats d’assurance vie.  Pour les enfants de l’assuré, en effet, le contrat d’assurance-vie souscrit par un conjoint au bénéfice de son époux séparé en biens réalise entre eux, le transfert d’un patrimoine qui constitue une créance entre époux dont l’évaluation est soumise aux règles des récompenses par renvoi indirect de l’article 1543 du code civil aux dispositions des articles 1469. La Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 17 novembre 2010 n°09-16964, à paraître au bulletin) approuve cependant la Cour d’appel d’avoir rejeté la prétention des demandeurs  au motif que « la prétendue existence d’un transfert de valeurs entre les patrimoines d’époux séparés de biens était insuffisante à fonder le principe d’une créance entre eux« .
La solution de la Cour de cassation ne peut être, dans son principe, qu’approuvée. En effet, pour qu’il y ait créance entre époux, il faut constater un transfert de valeur entre le patrimoine d’un époux et celui de l’autre et que la cause de ce transfert atteste de l’existence d’une créance. En effet, comme le rappelle la Cour de cassation, « la remise des fonds était à elle seule insuffisante à fonder le principe d’une créance » (Cass. 1re civ., 22 avr. 1997) .   Il faut en effet que la cause du transfert démontre l’existence d’une créance de restitution (parce qu’il y a eu une avance de fonds par exemple),  ou d’une créance d’indemnisation (parce que s’applique par exemple les règles de l’enrichissement sans cause).
Pour l’essentiel, le domaine d’élection des créances entre époux est celui du financement par un époux de l’acquisition (ou de l’amélioration) d’un bien par l’autre conjoint. En effet, l’évaluation de cette créance se fait selon les règles de l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil selon lequel cette créance ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.
L’investissement de fonds dans un contrat d’assurance vie dont la clause bénéficiaire désigne le conjoint n’obéit pas à ce schéma. Il s’agit en principe d’un acte de prévoyance.
Surtout, il faut qu’il y ait un transfert entre les patrimoines des époux. Pour le demandeur, « le contrat d’assurance-vie souscrit par un conjoint au bénéfice de son époux séparé en biens réalise entre eux, le transfert d’un patrimoine qui constitue une créance entre époux ».
Cependant un tel principe vide de substance le concept de  la stipulation pour autrui. La garantie n’a jamais transité par le patrimoine du souscripteur.
Le transfert pourrait évidemment porter sur les primes, si l’investissement réalise une libéralité, mais outre que la qualification ne causerait pas dans ce cas l’existence d’une créance de restitution,  la désignation du conjoint est en principe, sauf primes manifestement exagérées, un acte de prévoyance et non une libéralité.

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