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La libéralité graduelle descendant de la substitution fidéicommissaire avait pour objectif de garder les biens dans le lignage en interdisant la circulation des biens par une indisponibilité de fait.
La loi du 23 juin 2006 a libéralisé la substitution.
Était anciennement posé un principe d’interdiction des substitutions. Le code de 1804 a maintenu l’interdit mais en l’aménageant à l’ancien article 896 du Code civil. Cependant, deux exceptions y figuraient : La possibilité de transmettre des biens à ses enfants, pour qu’à leur décès les biens reviennent aux petits-enfants. Ainsi que la possibilité de donner ou léguer un bien à un collatéral privilégié à charge de transmettre ses biens aux neveux et nièce.

La loi de 2006 a alors mis un terme à la prohibition. De sorte que l’on puisse sortir du lignage, néanmoins a été maintenu un nouveau principe selon lequel la substitution est possible sauf lorsque la loi la prohibe (sont visé en l’espèce, les libéralités graduelles avec plusieurs degré de substituions).

Quant à la libéralité résiduelle, étant anciennement nommée legs de residuo. Le grevé n’est pas tenu de conserver la chose, il peut la consommer au point de ne rien laisser. La seule obligation est de transmettre ce qu’il reste au jour de son décès.
Le legs de residuo était principalement utilisé dans deux situations familiales :

    • En présence d’un enfant handicapé :
      Le disposant lègue à l’enfant vulnérable un bien avec une charge résiduelle au profit du second enfant, et évite de ce fait que le bien soit soumis aux aléas des décès et soit taxés dans des relations entre frères et sœurs.
    • L’hypothèse où le de cujus est marié sans enfant, et a des collatéraux privilégiés :
      Il sera conseillé au disposant d’effectuer un legs de residuo en faveur du conjoint survivant pouvant alors pleinement profiter du bien et même l’aliéner. Si tout ou partie du bien objet du legs se retrouve en nature, alors le restant sera transmis aux seconds gratifiés, les neveux et nièce par exemple.

La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités a permis d’effectuer des donations résiduelles.

Il convient d’étudier l’aspect civil et fiscal des libéralités résiduelles et graduelles, avant de s’intéresser à leur application dans le cadre de l’optimisation patrimoniale.

I. Les libéralités graduelles et résiduelles

A. Les aspects civils de la libéralité graduelle

Les libéralités graduelles et résiduelles sont régies par un socle de règles communes énoncé par renvoi à l’article 1061 du Code civil.

L’article 1048 du Code civil définit la libéralité graduelle comme l’opération par laquelle un disposant donne ou lègue des biens ou des droits, à charge pour le donataire ou le légataire de les conserver et de les transmettre à son décès à un second gratifié désigné dans l’acte.
Ce mécanisme s’effectue ainsi entre trois personnes, le disposant, le grevé et l’appelé, sachant qu’il n’y a pas de conditions particulières quant aux liens héréditaires qui unissent ces trois protagonistes. Autrement dit, l’opération peut s’effectuer hors lignage.
Il résulte de la définition posée par le précédent article, que le droit de propriété du grevé est viager.

Pour que la libéralité graduelle soit effective, il convient de respecter diverses conditions.

La charge doit être mentionnée dans l’acte et être acceptée par le grevé. Tant que l’appelé n’a pas accepté, le disposant peut lever la charge ce qui lui confère une plus grande souplesse dans la gestion de a transmission.
Or si le disposant désire effectuer un don manuel qui présuppose une absence d’écrit qui est obligatoire dans le cadre d’une libéralité avec charge, il est alors possible d‘introduire ladite charge par le biais d’un un accord de volonté se traduisant dans un pacte adjoint.

Les biens ou les droits objet de la libéralité, doivent être identifiables au jour de la transmission.
En outre, le grevé est obligé de conserver le bien qui par principe nécessite une conservation en nature aux termes de l’article 1049 du Code civil. Concernant les valeurs mobilières, elles peuvent être aliénées, il y aura alors subrogation avec la nouvelle valeur acquise, ce qui revient à conserver en valeur. Il convient de s’interroger sur la faculté de déroger à la conservation en nature pour les biens immobiliers, ce qui entraînerait des difficultés pour l’appelé quant à la préservation et la juste évaluation de son droit, mais permettrait une gestion plus dynamique et la circulation du bien objet de la libéralité. A l’heure actuelle l’absence de jurisprudence quant à cette possibilité ne permet pas de déroger en toute quiétude au principe de la conservation en nature.
Cependant le gratifiant peut apporter l’immeuble en société civile, pour ensuite donner les parts sociales au grevé, la charge graduelle a alors pour objet une valeur mobilière, à savoir les parts sociales. La société peur alors aliéner l’immeuble puisque la charge pèse sur les parts et non l’immeuble.

Le traitement successoral de la libéralité graduelle peut s’avérer complexe, notamment quant à la protection de la réserve héréditaire du grevé. Pour le cas où le grevé n’a pas demandé de cantonnement de la charge (étant donné qu’il ne connait pas encore lors de la donation, la valeur de la quotité disponible et de sa réserve), la loi est alors venue protéger les descendants du grevé avec l’art 1054 qui créée une réserve souche, ce qui offre une protection des descendants sur la base de la réserve du grevé. La loi distinguera selon qu’il s’agit d’une donation ou d’un legs.
Dans le cadre de la donation, la loi prévoit que le donataire à accepter que la charge grève sa part de réserve héréditaire, et a donc renoncé à une partie de la protection légale. S’il accepte, alors on protégera ses propres enfants, il est alors prévu que ces derniers seront les appelés à hauteur de la charge, il y aura alors une situation d’indivision entre les enfants du grevé et l’appelé initial.

Concernant le legs, on ne réclame pas le consentement en l’espèce, le légataire a un an à compter de la connaissance du testament pour demander le cantonnement, s’il ne le demande pas, il doit en assumer l’exécution de sorte que le législateur considère qu’il y a un consentement tacite à la substitution de l’appelé à la place des enfants du grevé pour la part grevant la réserve.

B. Les aspects civils de la libéralité résiduelle

A la différence de la libéralité graduelle, il n’y a qu’une obligation qui incombe au donataire initial, celle de transmettre l’objet de la libéralité. Or il n’y a pas d’obligation de conservation. Le second gratifié, l’appelé recevra donc ce qu’il restera du bien objet de la libéralité au décès du grevé, autrement dit, le résidu.

L’intérêt de procéder à une telle libéralité est quand même d’opérer une substitution, cela dit si le grevé s’avère être extrêmement consommateur, cela peut poser des problèmes quant à l’effectivité de la libéralité résiduelle. Il sera alors nécessaire de veiller à ce que le grevé n’ai pas un comportement de nature à supprimer la substitution.
Effectivement, comme l’indique l’article 1058 alinéa 2 du Code civil : « Lorsque les biens, objets de la libéralité résiduelle, ont été aliénés par le premier gratifié, les droits du second bénéficiaire ne se reportent ni sur le produit de ces aliénations ni sur les nouveaux biens acquis. », ainsi, lorsque le grevé aliène l’objet de la libéralité, l’appelé n’a aucun droit sur les produits issus de la cession ou sur le nouveau bien en cas de subrogation.
Le Code n’impose plus rien depuis la réforme du 23 juin 2006 quant à la garantie de la charge du grevé, mais peut-être pourrait-il être envisagé d’user de la possibilité appartenant au disposant, de prescrire des garanties et des sûretés pour la bonne exécution de la charge.
C’est au disposant de s’en charger, il devra alors s’en référer au notaire en stipulant au sein de l’acte une garantie ou une sûreté.

Il faut désormais envisager tout comme nous l’avons fait pour la libéralité graduelle, la situation du grevé réservataire. Il est nécessaire pour cela de se référer à l’article 1059 du Code civil.
Le grevé détient certes un abusus sur l’objet de la libéralité, mais ce droit de disposer est toutefois limité dans le temps puisqu’il est viager. De plus le grevé ne peut disposer du bien à cause de mort (par le biais d’un legs ou d’une institution contractuelle d’héritiers) étant donné que l’avenir post-mortem du bien a déjà été envisagé par le disposant initial. Il est par contre possible pour celui-ci d’effectuer une donation entre vif portant l’objet de la libéralité résiduelle. Le disposant peut toutefois l’en dissuader en lui interdisant au sein de l’acte, d’agir de la sorte.
L’article 1059 n’envisage la protection du grevé réservataire que dans le cadre d’une donation résiduelle. En effet, si le disposant donne un bien au grevé à charge que celui-ci le donne à un appelé et que cette charge atteint sa réserve, alors le grevé pourra léguer ou donner le bien objet de la donation à sa descendance, et cela à hauteur de sa réserve. La protection de la descendance du réservataire dépend donc de ses agissements. Il peut très bien demander le cantonnement de sa charge de manière à ce que celle-ci ne porte que sur la quotité disponible à laquelle il a droit. Il peut aussi tout comme nous venons de la préconiser, léguer le bien objet de la libéralité graduelle si celle-ci était faite en avancement de part.

Enfin, nous aborderons un dernier élément susceptible d’éveiller notre curiosité. Effectivement, l’article 1061 dresse un socle de règle communes propres aux libéralités graduelles et s’appliquant par renvoi aux libéralités résiduelles. Il existe à l’article 1053, un principe selon lequel la libéralité graduelle ne peut s’effectuer que sur un degré. Or l’article 1061 ne reprend pas ce principe pour en faire une application immédiate du point de vue des libéralités résiduelles. On ne sait donc pas s’il s’agit d’un simple oubli ou s’il est possible d’effectuer une libéralité résiduelle sur plusieurs degrés.

II. le traitement fiscal des libéralités graduelles et résiduelles

Les donations graduelles et résiduelles permettent une anticipation de la transmission au second degré́, ainsi que de protéger le patrimoine de la famille et en assurent la conservation. Le régime fiscal attractif dont elles bénéficient en fait un levier de transmission efficace.
Néanmoins, la loi du 23 juin 2006 n’a apporté aucune précision quant au traitement fiscal desdites libéralités. De sorte que les praticiens ne savaient s’ils devaient appliquer une double imposition sur le modèle des substitutions fidéicommissaires ou reproduire la taxation unique de legs de residuo. Afin de palier se vide juridique l’article 784 C du Code Général des Impôts issu de l’article 54 de la loi de finances rectificatives pour 2006 à apporter des explicitations sur le régime fiscal applicable aux libéralités graduelles et résiduelles.
Ainsi le législateur a stimulé l’attrait pour cette catégorie de libéralités puisqu’il a retenu la taxation unique. Les droits de mutations à titre gratuit déterminé selon les différents barèmes sis dans le Code général des impôts, seront lors de la première transmission qui à lieu entre le premier gratifié et le disposant les droits seront liquidés dans les condition de droit commun de sorte que le second gratifié ne sera pas sollicité.
Au décès du premier gratifié aura lieu une autre mutation entre le second gratifié et le disposant, ainsi les droits seront liquidé en fonction des liens de parentés qui les unissent. Il convient de préciser que les taux applicables et la valeur imposable des biens sont ceux de la date du décès du premier gratifié. Le second gratifié (ou appelé) tenant ses droits directement du disposant, par voie de conséquence il pourra profitez dans la majorité des cas d’un cadre fiscal plus avantageux. En outre, les droits qui ont déjà été acquittés lors de la première transmission avec charges sont imputés sur les droits dus sur le même bien par le second légataire ou donataire.
L’instruction fiscale du 22 novembre 2007 a assoupli le texte original en énonçant que cette imputation est également admise lorsque les droits dus sur la première transmission ont été́ pris en charge par le donateur.
Afin d’illustré l’utilité de ces libéralités dans une optique de transmission optimisé du patrimoine, il convient de s’appuyer sur un exemple chiffré.

Ex : Monsieur Martin consent une donation résiduelle d’un immeuble de 200.000e, le premier gratifié étant son fils Laurent, le bénéficiaire en second rang sera Inès sa fille cadette.
Lors de la première transmission qui aura lieu en ligne directe, ce qui permet de bénéficier de l’abattement de 100.000e, de sorte que les 100.000e restant seront soumis au barème progressif des droits de mutation a titre gratuit soit :

Moins de 8 072 € 5% soit 403,6
Entre 8 072 € et 12 109 € 10% soit 403,7
Entre 12 109 € et 15 932 € 15% soit 573,45
Entre 15 932 € et 100 000 € 20% soit 16 813,6
Total 18 194,35

Ainsi les frais de la première mutation seront de 18.194,35e
La seconde transmission est faite entre Mr Martin et Inès ce qui permet a nouveau de bénéficier de l’abattement en ligne direct et en outre des droits de mutation déjà consenti. De sorte que si le bien ne prend pas de valeur la seconde transmission se fera sans frais.

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