Pôle Patrimonial Professionnel

Par Hervé Morell
Chargé de travaux dirigé à l’Université Toulouse I Capitole

L’ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010, JO du 10 décembre 2010, portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée parachève le statut de l’EIRL institué par la loi du 15 juin 2010.

Elle améliore la compréhension de ce nouveau dispositif de partition patrimoniale, qui permet à un entrepreneur individuel de réduire son exposition au risque, en limitant le gage de ses créanciers professionnels aux biens qu’il aura décidé d’affecter à un patrimoine professionnel qu’il tient séparé de son patrimoine personnel.
Le terme de « personne » qui constituait le socle du mode d’organisation du droit des entreprises en difficultés, en désignant le sujet de la procédure collective, cède désormais systématiquement sa place au « débiteur ». Les nouvelles dispositions du titre VIII, spécialement ajouté au livre VI du Code de commerce pour régir l’EIRL en difficulté (C. com., art. L. 680-1 et s.), invitent donc à distinguer le patrimoine de ce débiteur selon qu’il est ou non affecté à l’exercice de l’activité. Le texte prévoit qu’en cas de difficulté, la procédure qui vise un patrimoine affecté à une activité professionnelle n’atteint que ce seul patrimoine. Ainsi, en cas de liquidation ou de redressement judiciaire visant un patrimoine affecté d’un EIRL, son patrimoine non affecté sera préservé.

Par ailleurs, l’accès aux procédures de traitement des situations de surendettement au titre de son patrimoine personnel, est autorisé si cette situation résulte exclusivement de dettes non professionnelles. La logique du dispositif de l’EIRL est donc parfaitement respectée. Un entrepreneur pourra se trouver soumis à une procédure collective au titre d’une activité et du patrimoine qui y est affecté, tout en poursuivant une activité distincte, logée dans un autre patrimoine et indifférente aux effets de la première procédure.

Sur le fond, notons que l’ordonnance crée une action en réunion des patrimoines calquée sur l’action en extension pour confusion des patrimoines, qui jouera aussi en cas de « fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure ».

Le principe de protection et de séparation des patrimoines résultant de l’affectation n’a donc rien d’absolu, dans la mesure où le souci de protection des créanciers a conduit les rédacteurs de l’ordonnance à faire en sorte que cette séparation ne soit pas parfaitement étanche et que les notions les plus classiques de fraude, de faute et d’abus puissent être utilisées comme autant de dérogations au statut de l’EIRL. Lorsque l’entrepreneur aura fraudé ou méconnu cette séparation des patrimoines, il perdra le droit d’en revendiquer le bénéfice, puisqu’une action en réunion des deux patrimoines, a été prévue pour restaurer l’unité patrimoniale dans la lignée de l’action en extension de la procédure collective.

L’ordonnance frappe également de nullité les affectations ou les modifications d’affectation de biens en période suspecte dans le seul dessein de les soustraire à l’actif, et permet, en cas de fraude, la reprise des poursuites individuelles sur le patrimoine non affecté après clôture pour insuffisance d’actif.
Les dispositions de l’ordonnance du 9 décembre 2010, bien que favorables aux droits des créanciers amoindrissent donc l’intérêt de l’EIRL dans la mesure où l’efficacité de la séparation des patrimoines est limitée, ne permet pas de conjurer le risque de poursuite des créanciers professionnels sur le patrimoine privé, et place l’entrepreneur dans une situation identique à celle du gérant d’une EURL.

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