Pôle Patrimonial Professionnel

Par Jean-Noël Chaumont

La parution, attendue par tous les professionnels, en date du 20 mars 2012, de l’instruction fiscale 7-G-2-12 est venue nous éclairer sur les conditions d’application du nouvel article 990.I. du code général des impôts proposé par la loi de finances rectificative 2011 du 29 Juillet 2011, s’agissant des clauses bénéficiaires prévoyant un démembrement de propriété de la prestation versée par l’assureur au décès de l’assuré.

Rappelons ici que la nouvelle rédaction de l’article 990.I. applicable aux clauses bénéficiaires démembrées des contrats dont toutes les primes ont été versées avant les 70 ans de l’assuré est venue contredire la position antérieure de l’administration fiscale : la doctrine administrative considérait alors que l’usufruitier était le bénéficiaire unique du capital décès et qu’à ce titre il bénéficiait seul de l’abattement de 152.500 €. La réponse ministérielle du 07 mai 2009 (réponse Serge Dassault N° 2652) précisait en outre qu’en présence éventuelle de plusieurs usufruitiers, chaque usufruitier pouvait bénéficier de cet abattement. Cette interprétation, très favorable aux contribuables, exonérait de fait et définitivement de toutes taxes et impôts le ou les nus-propriétaires, quel que soit le montant du capital versé… Niche fiscale par excellence, qui n’aurait su perdurer dans un contexte aussi défavorable aux finances publiques…

Nous avions à l’époque maintes fois souligné l’incohérence juridique de cette position, considérant notamment que le nu-propriétaire, titulaire d’un droit réel sur le capital versé en cas de décès, devait être considéré lui aussi comme bénéficiaire du contrat… mais la « largesse » de l’administration fiscale nous arrangeait bien !
Par un retournement dont seul le législateur à le secret (!), la loi votée le 29 juillet 2012 a donc mis fin à cette interprétation certes erronée mais favorable aux nus-propriétaires : dorénavant, sont considérés comme bénéficiaires de la prestation décès à la fois l’usufruitier et le nu-propriétaire, et à ce titre, ils sont taxables selon les modalités qu’est venue préciser l’instruction fiscale publiée le 20 mars 2012.

Retenons-en les 6 points essentiels qui nous éclairent sur les modalités de la taxation au titre de l’article 990.I. du Code Général des Impôts :

  1. Les nus-propriétaires et Usufruitiers sont considérés comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans la prestation décès, et évaluée selon le barème de l’article 669 du C.G.I., dit barème fiscal de l’usufruit.
  2. L’abattement de 152.500 € est réparti entre le bénéficiaire usufruitier et le bénéficiaire nu-propriétaire dans les mêmes proportions (application de l’article 669 du CGI).
  3. Il y a lieu d’appliquer autant d’abattement de 152.500 € que la clause bénéficiaire prévoit de « couples » usufruitier/nu-propriétaire.
  4. Si la clause bénéficiaire prévoit une pluralité de « couples » usufruitier/nu-propriétaire, l’usufruitier ne bénéficie que d’un seul abattement de 152.500 € réparti sur l’ensemble des couples concernés.
  5. Si l’usufruitier concerné est exonéré en vertu de la loi TEPA (conjoint survivant ou partenaire pacsé par exemple), la fraction d’abattement non utilisée par l’usufruitier exonéré ne bénéficie pas aux autres bénéficiaires désignés.
  6. En cas de contrats multiples se dénouant au décès de l’assuré, les bénéficiaires ne peuvent bénéficier chacun que d’un abattement maximum de 152.500 € sur l’ensemble des prestations décès versées par les assureurs.

Si cette nouvelle fiscalité est pénalisante par rapport à la solution précédente, il n’en demeure pas moins que le démembrement de propriété de la clause bénéficiaire reste, sur le plan civil, une excellente réponse patrimoniale à maintes situations familiales spécifiques : ce démembrement permet, rappelons-le, d’organiser et de sécuriser les intérêts respectifs des bénéficiaires désignés. Il ne sera jamais inutile de recourir au Notaire pour qu’il puisse, dans une rédaction optimisée de la clause, jouer pleinement son rôle de Conseil des familles… Enfin, pour faciliter la compréhension de ces nouvelles dispositions fiscales, nous terminons cet article par un tableau comparatif de la fiscalité applicable aux clauses démembrées selon que l’on se situe dans le cadre de l’article 990 I ou de l’article 757B du code général des impôts.

Télécharger :
Tableau comparatif de la fiscalité applicable aux clauses démembrées

Jean-Noël Chaumont
Chargé d’enseignement et membre du Comité Scientifique JurisCampus

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