L’investissement « Charia-compatible » en France
Par les étudiants du master 2 ingénierie du patrimoine – groupe recherche et publication
Récemment s’est tenu à Paris, au centre de conférence Pierre Mendès-France, le 4ème forum de la finance islamique. Thème : « Dès 2011, la finance islamique sera un moteur pour l’économie, les institutions financières et les entreprises françaises ».
La finance islamique, c’est-à-dire les actifs détenus par les institutions financières islamiques, est un marché évalué à plusieurs centaines de milliards de dollars, atteignant même le billion. Son rythme de croissance reste, malgré la crise financière, très soutenu (taux à deux chiffres).
Paris Europlace ne cache pas sa volonté de capter une partie de ces capitaux, son comité de droit financier comprenant même une commission « finance islamique », créée sous l’impulsion de la Ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi
Quatre instructions fiscales, qui font suite aux fiches doctrinales du 18 décembre 2008 de la DGTPE et de l’Instr. du 25 février 2009, ont enfin vu le jour le 24 août dernier :
http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2010/4fepub/textes/4fes210/4fes210.pdf
http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2010/4fepub/textes/4fes110/4fes110.pdf
http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2010/4fepub/textes/4fes310/4fes310.pdf
http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2010/4fepub/textes/4fes410/4fes410.pdf
Quelles sont les spécificités de ces investissements ?
Ils répondent aux besoins des investisseurs qui souhaitent investir dans le respect des principes du Coran.
La « charia» préconise en effet :
– l’interdiction de toute forme d’intérêt, « riba », dont le sens est ici plus large que l’usure du droit français (c’est l‘idée même de spéculation qui est illicite : il n’est point permis de faire de l’argent sur … de l’argent !),
– l’obligation d’adosser tout placement à un actif réel (immobilier, action…),
– le partage des pertes et des profits,
– la nécessité d’investissements socialement responsables (le domaine d’investissement doit être « halal » ; certains secteurs comme les jeux de hasard, la pornographie, l’élevage porcin, ou touchant à l’alcool… sont donc prohibés).
Sous quelles formes les rencontre-t-on généralement ?
Il existe 4 produits-phares développés par les institutions financières islamiques :
– les « sukuks », obligations à échéance fixe adossées à un actif tangible, permettant de rémunérer le placement, mais structurées de telle sorte que leurs détenteurs courent un risque de crédit ;
– les contrats de « murabaha », par lesquels l’émetteur joue un rôle d’intermédiaire : un vendeur vend un actif à un financier islamique qui les revend à un investisseur moyennant un prix payable à terme ;
– l’« ijara », type de location-vente par lequel l’investisseur achète un équipement et le loue à une entreprise en crédit-bail ;
– l’« istisna », contrat selon lequel une partie demande à une autre de lui construire un ouvrage contre rémunération, le paiement étant assuré au fur et à mesure de la construction.
quelles applications possibles en France ?
Jusqu’à présent, seuls les pays anglo-saxons avaient été capables, par leur arsenal juridique, d’attirer ces capitaux.
Certains établissements français de formation avaient pourtant, conscients du potentiel de développement de cette activité pour nous encore si particulière, commencer à proposer des formations spécifiques (pour n’en citer que quelques-uns : DU « ‘Principes et pratique de la finance islamique » de Paris-Dauphine, Master Finance Islamique à l’Ecole de Management de Strasbourg).
Le cadre législatif français étant désormais prêt à accueillir ces opérations non conventionnelles, l’année 2011 devrait ainsi voir s’ouvrir des succursales de banques spécialisées en finance islamique, et des distributeurs français proposer les premières « sukuks ».
Ce qui signifie autant de possibilités d’investissement ou de financement éthique pour les particuliers, de développement pour les entreprises, et de participation aux projets d’infrastructures des collectivités territoriales.