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L’information financière sera à l’origine de la prise de décision des investisseurs ou des agents économiques, d’investir ou non sur les marchés boursiers (lieu où s’échange toute une panoplie de titres financiers). Son rôle est primordial pour assurer le fonctionnement de la bourse car ces données retraitées visent à éclairer le public des événements reflétant la réalité économique des sociétés cotées.

La transparence du marché constitue alors une condition essentielle de la confiance des investisseurs, de la crédibilité et de la qualité d’une place financière dans son ensemble.

Pourtant la récente actualité financière (articles les Echos) tend à nous démontrer le contraire :

  • 08 Décembre 2015 : L’Autorité des Marchés Financiers a sanctionné à hauteur de 5 millions d’euros l’opérateur Euronext Paris pour ne pas avoir respecté l’obligation d’exercer ses activités avec neutralité et impartialité dans le respect du marché.
    L’entreprise Virtu Financial Europe, spécialisée dans le trading à haute fréquence, a été également sanctionnée pour manipulation de cours et méconnaissance des règles de marché d’Euronext.
  • 10 Janvier 2016 : Onze traders, travaillant pour la Société Générale, Barclays, et Deutsche Bank, sont poursuivis par les autorités britanniques pour avoir manipulé le taux interbancaire Euribor.

La financiarisation de l’économie est à l’origine d’une profonde mutation de l’exercice de communication que se doit d’effectuer toute société présente sur un marché boursier.

L’article L. 231-1 du Code de Commerce prévoit ainsi qu’à la clôture de chaque exercice, le conseil d’administration, le directoire ou les gérants dressent l’inventaire, établissent les comptes annuels (bilan, compte de résultat, annexes), et un rapport de gestion.

Ce texte de loi dessine ainsi les contours du concept fondamental d’information financière, c’est-à-dire une information reposant essentiellement sur des données comptables (tournée vers le passé), émises en priorité pour répondre à des exigences légales et réglementaires. Mais, sous l’impulsion de plusieurs facteurs, l’information communiquée par les groupes s’élargit pour répondre à des objectifs stratégiques.

Pour limiter la volatilité des marchés, l’information financière est réglementée par un organisme public et indépendant : l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Le gendarme de la Bourse est chargé de veiller :

  • à la protection de l’épargne investie dans les produits financiers,
  • à l’information des investisseurs,
  • au bon fonctionnement des marchés boursiers.

Malgré ce garde-fou, le marché subit régulièrement des anomalies qui parasitent son fonctionnement. Dans cet article sur la communication financière, nous analyserons ses intérêts et ses pratiques pour les marchés financiers.

Pour cela, nous aborderons successivement :

  • Le champ d’application de la communication financière,
  • L’objectif non atteint de la communication financière : l’inefficience des marchés.

I – Le champ d’application de la communication financière

La diffusion d’informations comptables et financières fait l’objet d’une réglementation stricte en matière de délai et de contenu dans des documents type rapport de gestion, Bulletin des Annonces Légales Obligatoires (BALO), …

L’objectif de cette communication financière est d’assurer la diffusion simultanée, effective et intégrale d’informations pertinentes, exactes, précises et sincères, diffusées à temps et homogènes par rapport aux précédentes publications.

A – Une pratique réglementée avec des marges de manoeuvre

Les sociétés sont tenues de fournir :

  • Des informations périodiques à dates fixes comme le rapport financier annuel, rapport financier semestriel et information trimestrielle (pour les sociétés cotées).
  • Des informations permanentes sont données en dehors de tout cycle régulier, à l’occasion de divers évènements qui peuvent se produire à tout moment (émission d’une alerte aux résultats ou changement de l’équipe dirigeante). Ces informations seraient susceptibles d’avoir une incidence sensible sur leur cours de bourse ou sur les décisions d’un investisseur.
    L’objectif est ici de protéger les actionnaires et les tiers en assurant un maximum de transparence.
  • Des informations occasionnelles sur certaines opérations financières faisant l’objet d’une réglementation particulière en matière de publicité :
    • Admission et émission d’instruments financiers cotés sur un marché réglementé comme Euronext Paris : publication d’un prospectus visé par l’AMF.
    • Offres Publiques d’Achat (OPA) et Offres Publiques d’Echange (OPE) : publication par la société initiatrice de l’opération d’un communiqué de presse et d’une note d’information visée par l’AMF.
    • Fusions et acquisitions : publication d’un avis au BALO, le projet de fusion est mis à disposition des actionnaires de chacune des sociétés.
    • Liquidation : publication dans un Journal d’Annonces Légales.*

On peut constater que l’information financière obligatoire, périodique ou permanente, est à la fois volumineuse et d’une grande complexité (recours à des intermédiaires semble indispensable).

Nous aurions pu penser que l’adoption des normes IAS-IFRS (référentiel pour les comptes consolidés) aurait amélioré la lisibilité de l’information financière en facilitant les comparaisons. Toutefois, les sociétés vont communiquer sur leur performance à travers des indicateurs comptables qui sont manipulables par les dirigeants. Ils pourront ainsi rendre les comptes annuels plus ou moins attractifs, prenons deux exemples :

  • Bénéfice par Action : l’effet relutif via le rachat d’actions propres avec annulation des titres permettra d’augmenter artificiellement le rapport = Résultat Net / Nombre d’actions.
  • EBITDA (Earnings Before Interest Taxes Depreciation and Amortization) : indicateur qui n’est pas normé, donc le contenu peut être différent d’une société à une autre. La comparaison entre les sociétés sera alors très compliquée …

B – D’un mécanisme de gouvernance d’entreprise au marketing boursier

La performance d’une entreprise dépend bien entendu de multiples facteurs, certains seront externes comme la conjoncture économique, et d’autres seront internes comme la qualité de l’équipe dirigeante ou le mode de gouvernance.

La gouvernance est un ensemble de dispositifs qui délimitent le pouvoir de ceux qui se voient déléguer des droits de décision. Ce mécanisme est né de la dissociation des fonctions de propriété (actionnariat) de celle de direction (mandataire social) où le dirigeant sera aux commandes de la société à travers une délégation de pouvoirs permettant in fine une création de richesse au profit des actionnaires.

D’après la Théorie de l’Agence (Jensen & Meckling, 1976) : le principal (l’actionnaire) va mandater un agent (dirigeant) pour gérer en son nom l’entreprise. Le problème dans cette relation d’agence est le risque d’opportunité des dirigeants avec des actions qui ne vont pas dans le sens des actionnaires (enracinement, vision court à terme, investissements idiosyncratiques, …).

Ces conflits d’agence auront pour origine l’asymétrie d’informations avec des risques de sélection adverse (information ignorée par l’actionnaire) et l’aléa moral (décisions ne sont pas observables par l’actionnaire).

La communication financière agira ici comme mécanismes de contrôle et de mécanisme de dédouanement où le dirigeant devra justifier de son action auprès des actionnaires.

« Une communication financière rapide et équitable des informations au public renforce l’intégrité du marché alors qu’une consommation sélective par les émetteurs peut induire une perte de confiance des investisseurs dans l’intégrité des marchés financiers »Directive abus de marché du 28 Janvier 2003.

L’importance croissante des marchés financiers conduit les entreprises à communiquer avec les investisseurs tout comme on communique avec ses clients sur les marchés des biens et services. Cette stratégie consiste à valoriser les titres mais également à fidéliser ou à diversifier la structure actionnariale.

Ce marketing boursier se traduit par un passage de l’image fidèle des comptes annuels à l’image valorisante du titre favorisant ainsi une meilleure visibilité. Cela se traduit par :

  • Un élargissement de l’information communiquée :
    • données économiques : information sectorielle,
    • données sociétales : bilan social et risques environnementaux.
      C’est une information volontaire qui va au-delà de l’information obligatoire et réglementaire.
  • Un élargissement des cibles de la communication financière :
    • Les décideurs (actionnaires individuels, investisseurs institutionnels, actionnaires salariés) qui sont des apporteurs de fonds potentiels.
    • Les prescripteurs (analystes financiers, journalistes financiers, banquiers d’affaires, agences de notations) dont le jugement peut induire des décisions et provoquer des changements de comportements chez la population de décideurs.
    • Les cibles périphériques (AMF, Euronext, pouvoirs publics, clients, fournisseurs, syndicats, grand public) qui ne doivent pas être négligés dans la mesure où ils constituent des contraintes de communication vis-à-vis des autres cibles.
  • La multiplication des canaux de diffusion :
    • Communiqué de presse,
    • Site internet,
    • Lettres aux actionnaires,
    • Roadshow.

Pour conclure, il est important de se remémorer l’essence des marchés financiers :

  • Drainer l’épargne des agents à capacité de financement vers les projets d’investissement des agents à besoin de financement.
  • Assurer la liquidité des titres afin de permettre à l’investisseur de trouver une contrepartie à tout moment pour revendre les titres acquis.

Incontestablement, la communication financière favorise la liquidité d’un titre en vue de séduire de futurs investisseurs pour financer de futurs projets de développement (croissance interne ou externe). Malgré un cadre réglementaire issu de la Loi de Sécurité Financière (2003) avec la création de l’AMF, nous pouvons constater les dérives issues de l’information qui faussent l’efficience des marchés (anomalies de marchés, délits boursiers, …).

II – L’objectif non atteint de la communication financière : l’inefficience des marchés

La communication financière devrait contribuer à une efficience des marchés (Eugène FAMA, 1970). Un marché est efficient lorsque le prix des titres financiers reflète à tout moment l’information pertinente disponible.

Les conditions à l’efficience des marchés sont :

  • L’impossibilité de prévoir les rentabilités futures,
  • Les prix observés reflètent toute l’information publiquement disponible,
  • Les investisseurs possédant une information privilégiée sont incapables d’avoir une influence sur les prix des titres,
  • Les coûts des transactions sont faibles,
  • Les marchés sont liquides,
  • Les investisseurs sont rationnels.

A – Les critiques adressées à la théorie de l’efficience des marchés

Les tests empiriques démontrent plusieurs niveaux d’efficience des marchés :

  • Faible : l’information se limite à celle des cours passés,
  • Semi-forte : l’information publique disponible (presse) est aussi prise en compte,
  • Forte : toute l’information possible, publique ou privée est considérée.

Les chercheurs retiennent un niveau d’efficience semi-forte avec des prix qui ne reflètent pas toute l’information pertinente mais seulement l’information publique disponible.

Malgré des règles de déontologie qui consistent pour les professionnels de la finance à ne pas utiliser à leurs profits des informations privilégiées non encore connues du public, nous constatons l’existence de délits boursiers.

Cela se traduit par :

  • Le délit d’initié qui est le fait d’obtenir une information confidentielle sur une société pour faire des opérations à son profit sur les titres avant que l’information ne devienne publique en entrainant une variation du cours de bourse.
  • Le délit de manipulation de cours où une personne exerce ou tente d’exercer directement ou par personne interposée une manoeuvre, parfois prenant la forme d’interventions sur le marché de la valeur, afin d’induire en erreur les autres investisseurs.
  • Le délit de fausse information où une personne diffuse volontairement des nouvelles inexactes afin d’influer sur le cours du titres.

Ces pratiques frauduleuses sont pénalement sanctionnées et remettent en cause l’efficience des marchés.
D’autres critiques sont également adressées à la théorie de l’efficience des marchés :

  • La remise en cause de la « marche au hasard » où les prix peuvent parfois être prévisibles compte tenu de l’existence d’anomalie de marché :
    • Effet calendaires : certains jours ou certains mois sont favorables à la rentabilité des actions. L’année 2016 est composée de 366 jours, et certains jours fériés tomberont un dimanche, l’activité sera alors, en principe, favorisée.
    • Effets de taille : la prime de risque plus importante pour les sociétés de petite taille.
    • Bulles spéculatives : les cours témoignent d’une volatilité exagérée comparativement aux valeurs fondamentales (Bulle internet des années 2000 par exemple).

Une anomalie en bourse, lorsqu’elle apparait, se traduit par un écart de valorisation, qui fait l’objet, très rapidement d’arbitrages de la part des opérateurs qui souhaitent dégager un profit. Nous pouvons noter qu’au cours d’un arbitrage, il n’est pas toujours facile de ramener entièrement le cours à sa valeur fondamentale.

  • La remise en cause de la rationalité des investisseurs car ils n’agissent pas sur les marchés en utilisant des modèles mathématiques et en cherchant à optimiser l’information disponible.

B – La volonté de comprendre le comportement des cours boursiers et d’expliquer les anomalies de marchés constatées

Le principe de la finance comportementale est l’utilisation de la psychologie pour tenter de comprendre certains phénomènes observés en finance comme les anomalies de marchés.

L’objectif est de mettre en lumière des situations d’inefficience et de tenter de les expliquer par la psychologie des investisseurs. Elle fait valoir l’importance des émotions et des raisonnements erronés qui peuvent en découler sur les intervenants financiers.

La finance comportementale remet en question le postulat de base de la finance moderne qu’est la rationalité des investisseurs dont découle la théorie des marchés efficients. Elle met en cause la capacité des investisseurs à pouvoir correctement utiliser les outils techniques mis à leur disposition sans avoir préalablement modifié leurs comportements. Elle cherchera ensuite à mettre en place des stratégies visant à tirer profit de ces situations.

D’abord, le calcul de la valeur fondamentale prend appui sur les rumeurs et les modes. Cette semaine a été marquée par une chute de l’action Renault (-22%) après l’annonce de perquisitions dans différents site du groupe qui font craindre une possible tricherie sur les émissions polluantes. Cette rumeur d’un Volkswagen bis s’est propagée après la diffusion d’un tract de la CGT (cible périphérique) – Cf. art Les Echos 14/01/16

Puis, l’analyse des analyses de marché par les biais comportementaux :

  • Biais cognitifs : erreur de prise de décision du fait d’une faiblesse dans le traitement de l’information disponible (ancrage sur l’information initiale).
  • Biais émotionnels : phénomènes psychologiques liés aux émotions qui se traduit par une aversion à la perte, ou au contraire, une situation de sur-confiance.
  • Biais individuels ou collectifs : adoption d’un comportement moutonnier (panique, euphorie, mimétisme, …).

De plus, la théorie des perspectives (Kahneman & Taversky, 1978) précise que la décision d’investir dépend de la richesse initiale et de l’aversion aux pertes. En effet, si le gain est latent, l’investisseur aura la volonté d’encaisser rapidement le gain. Contrairement, si l’investisseur subit une perte, il aura la volonté d’attendre avec l’espoir d’un retour à l’équilibre.

Enfin, il existe d’autres courants théoriques en marge de la finance comportementale : la théorie des fractales (Mandelbrot, 1978). En observant les courbes des cours, l’étude démontre l’existence de similitudes à des échelles différentes. Il est alors possible de repérer une même irrégularité sur une durée mensuelle, hebdomadaire ou mensuelle. Ce qu’il faut retenir, c’est que le comportement passé du marché a une influence sur le comportement à venir. Par conséquent, nous avons une nouvelle atteinte au concept théorique de marche au hasard des marchés boursiers.

Compte tenu de ce qui vient d’être exposé dans cet article, une société qui émet des titres financiers sur un marché réglementé le fera à un prix qui doit correspondre à leur valeur exacte pour lever un maximum de fonds.
En pratique, une introduction en bourse se fera à une valeur légèrement inférieure afin de réaliser une hausse des cours juste après. Cette sous-évaluation initiale sera justifiée par une asymétrie d’informations et favorisera la liquidité du titre auprès des investisseurs. Lorsque les informations seront accessibles à l’ensemble des acteurs du marché, le cours s’ajustera.
Si l’on retient l’hypothèse d’efficience des marchés, toute information nouvellement émise devrait avoir un impact sur les cours pour être pertinente. Toutefois, en pratique, cette efficience n’est pas totalement vérifiée avec de nombreuses dérives telles que les anomalies de marché et/ou la finance comportementale.

Bibliographie indicative :

  • BARNETTO P., GREGORIO G. (2010), DSCG 2 – Finance, manuel et applications, Ed. DUNOD.
  • BENSADON D. & al. (2015), DSCG 4 – Comptabilité et audit, manuel et applications, Ed. FOUCHER.
  • VERNIMMEN P. (2009), Finance d’entreprise, Ed. DALLOZ.
  • Site de l’observatoire de la communication financière : http://www.observatoirecomfi.com

 

– Nicolas Ruiz

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