Le Conseil Patrimonial face à la crise
Par Jean-Noël Chaumont
Les bouleversements économiques et financiers que nous connaissons depuis l’automne 2008, et qui annoncent à n’en pas douter un nouveau « paradigme » que les années qui viennent viendront définir, ont eu un impact important sur le patrimoine de nos concitoyens : baisse des marchés actions, solvabilité ébranlée des dettes souveraines, marché immobilier incertain, etc…
Face à ce nouvel environnement encore inconnu, quel comportement doit adopter le Conseiller en Gestion de Patrimoine ? Quelle stratégie mettre en place pour répondre aux attentes des épargnants ? Quels placements privilégier pour quelle performance attendre ?
La « crise » économique et financière se double aussi d’une très grande instabilité fiscale tentant de répondre, avec plus ou moins de succès, au défi de l’endettement des pays, notamment dans la zone euro…
La responsabilité du Conseil en Gestion de Patrimoine se voit ainsi encore renforcée par l’incertitude de l’avenir. Peut-on dès lors adopter une « ligne directrice » pour tenter de répondre efficacement aux objectifs financiers de nos clients ?
Il nous semble évident, dans ce contexte, de privilégier à tout prix la sécurité patrimoniale. Cette sécurité (qui ne veut pas dire absence de performance) n’existera qu’à condition de respecter les grands équilibres patrimoniaux et la proximité renforcée auprès des épargnants.
La notion « d’équilibre patrimonial » induit d’une part une diversification suffisante des marchés (avec un répartition optimisée entre immobilier, épargne bancaire, épargne financière et assurance-vie) et d’autre part une adaptation régulière de la stratégie patrimoniale permettant de prendre en compte les nouvelles données juridiques, financières et fiscales issues de cette crise.
Par exemple, en matière d’assurance-vie, il faut aujourd’hui savoir intégrer la baisse régulière du rendement des fonds en €, la nouvelle fiscalité de l’article 990 I portant sur les clauses démembrées, les nouvelles règles de perception des contributions sociales… Cela nécessite une plus grande proximité avec nos clients et une adaptation, si nécessaire, des contrats en cours… La valeur ajoutée du Conseiller trouve sa justification dans cette proximité et dans sa capacité à réagir vite, et au profit de son client, face à un nouvel « ordre » fiscal ou financier.
Autre position recommandée : une suffisante liquidité dans le patrimoine. Si les placements dits de précaution ou d’attente se révèlent assez peu rémunérateurs, ils offrent toute la souplesse
nécessaire pour capter des opportunités de marchés. N’oublions jamais que l’épargne bancaire constitue le socle le plus solide de la « pyramide » patrimoniale et que le premier mérite de cette
épargne est d’assurer la sécurité de l’épargnant et de ses proches.
Nous soulignerons aussi que, face aux besoins énormes de financement des budgets publics et à l’obligation de diminuer un endettement étouffant les perspectives de croissance,
la « défiscalisation » à tout prix n’est plus d’actualité. Les « niches fiscales » vont naturellement fortement diminuer voire disparaître pour beaucoup d’entre elles, et avec elles, les stratégies
reposant uniquement sur le « moins disant fiscal ». Cela annonce (et nous en sommes heureux !) une primauté renforcée du juridique sur le fiscal, et cela sera particulièrement pertinent pour les années à venir. Combien de Conseillers en Gestion de Patrimoine ont, par exemple, saisi toutes les opportunités de gestion et de transmission patrimoniale nées de la très importante et fondatrice Loi du 23 juin 2006 ? IL est, nous semble-t-il grand temps d’affirmer notre savoir-faire dans ce domaine, plutôt que d’endetter à long terme nos clients sur des promesses hasardeuses de « moins d’impôt » et plus de « rentabilité »…
La sagesse doit l’emporter : les trois années à venir vont redéfinir notre métier, et la meilleure façon de préparer l’avenir patrimonial de nos clients est de les associer au plus près de nos préoccupations prioritaires : sécurité juridique et financière, adaptabilité et souplesse des actifs patrimoniaux, et réponse efficiente aux objectifs exprimés !
Jean-Noël Chaumont
Chargé d’enseignement et membre du Comité Scientifique JurisCampus